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Les défis du REXH2

Tandis que l'équipage d'Energy Observer poursuit sa navigation en Atlantique sans pouvoir mettre pied à terre, une autre équipe retient son souffle : celle d'Energy Observer Developments (EODev), dont le REXH2 navigue désormais à bord du premier bateau hydrogène autour du monde.

Premières mondiales

En France, la première pile à combustible "marine" fonctionnant à l'hydrogène a été installée à bord d'Energy Observer courant 2017, pour une première série d'escales en France puis en Europe qui a conduit notre premier navire autonome jusqu'au cercle arctique en 2019. Au cours de ce premier périple, Energy Observer était doté d'une pile à combustible conçue en collaboration avec le CEA, qui développe une puissance de 30kW. Bien qu'elle soit toujours à bord et ai rempli son rôle à merveille pendant ces deux premières années, les besoins énergétiques du navire sont allés en grandissant, à mesure que de nouvelles technologies étaient installées pour y être testées et que les périodes de navigation augmentaient.

C'est ce constat, combiné aux opportunités offertes par les capacités de nouvelles piles Toyota, plus puissantes, plus légères et plus compactes, qui ont conduit l'équipe d'Energy Observer à proposer au constructeur japonais de se prendre au jeu de l'autonomie énergétique en mer. En travaillant avec nos ingénieurs, ils ont ainsi pu donner naissance au REXH2, entendez Range EXtender H2, dont le but premier est, comme son nom l'indique, d'augmenter l'autonomie énergétique d'un navire, que son utilisation soit destinée à la propulsion, aux systèmes de bord ou au deux. Le premier REXH2, en version expérimentale, a passé de long mois sur les bancs d'essai de Toyota en Belgique, avant de pouvoir être enfin installé à bord d'Energy Observer.

Là, au cours de l'hiver, il a été testé encore et encore pour s'assurer de sa fiabilité comme de ses performances dans un environnement marin exigeant, soumis aux nombreux caprices de la météo, des vagues, de la houle et du roulis. L'océan, c'est un grand huit, pas une autoroute ; et une pile à combustible est un organe sensible, qui doit être protégé de toute poussière extérieure, de toute particule néfaste. C'est ainsi qu'en février il était enfin prêt à prendre le large pour sa première transatlantique, seule une météo capricieuse obligeant l'équipage à un départ plusieurs fois décalé. Il peut être difficile d'imaginer ce que ce périple signifie, ou de se projeter sur l'étendue des avancées induites par la mise en place du REXH2à bord d'Energy Observer. Pour le comprendre, il faut réaliser que jusqu'à maintenant aucune pile à combustible, quelle que soit sa taille et sa puissance, sans parler de son coût, n'a eu à couvrir une telle distance d'une seule traite, sans possibilité d'être ravitaillée ni dépannée.

Lorsque vous conduisez une Toyota Mirai, une voiture hybride ou même une Tesla, vous êtes sur la terre ferme. Si la voiture tombe en panne par manque de carburant, vous pouvez... marcher. Et trouver à la brancher pour la recharger, ou appeler Engie pour vous livrer de d'hydrogène. Au milieu de l'Atlantique, rien de tout cela ; alors que, dans cet environnement hostile, les risques de panne peuvent être décuplés. Le pari est d'autant plus audacieux que l'aventure est tentée avec une nouvelle pile, plutôt qu'en s'appuyant sur les seules capacités de la pile précédente, qui n'auraient pas suffi à garantir l'autonomie nécessaire à une telle traversée. Et alors qu'au loin se profile également la traversée du Pacifique.

Technique de pointe et pragmatisme

Le passage d'une pile de 30kW à la nouvelle pile de 80kW (60kW en continu) n'a pas fait que doubler les capacités du navire, il les a démultipliées. En effet, il est important de comprendre qu'un REXH2 est conçu, comme dans une voiture à hydrogène du type Toyota Mirai, pour fonctionner de pair avec une ou plusieurs batteries. Même s'il est possible en principe d'assurer la propulsion d'un bateau de petite taille, au profil d'utilisation simple et récurrent, avec l'électricité fournie par la seule pile, il est plus pragmatique de coupler celle-ci avec des batteries qui vont servir à la fois de réserve d'énergie (batterie de stockage) et d'alimentation de la propulsion comme de la vie à bord. L'intérêt par rapport à un schéma "tout électrique" est de réduire le besoin en nombre de batteries, ce qui, outre la question de la durabilité des batteries et des possibilités de les recycler, permet un gain de poids embarqué plus que conséquent, pour un volume sensiblement identique. C'est également une solution moins onéreuse, à l'achat comme dans son fonctionnement.

Par ailleurs, le REXH2 peut être monté "en série", jusqu'à 10 unités, portant ainsi la puissance de l'ensemble de 80 jusqu'à 800kW. Enfin, l'hydrogène qui lui sert de carburant peut être totalement "vert", lorsqu'il est le résultat de l'électrolyse de l'eau, alors qu'une batterie est d'ordinaire rechargée via le réseau électrique, qui n'est pas toujours "vert" et donc vertueux. Le REXH2, en hybridation électrique, voire même en hybridation diesel-hydrogène-électrique, apparaît ainsi, aujourd'hui, comme l'option la plus à même de réduire au maximum les émissions de CO2 et de particules fines à bord des navires ; en attendant le jour où, grâce à des capacités de production d'hydrogène vert et de stockage améliorées, il sera possible de fonctionner totalement à l'hydrogène pour répondre à tous les besoins énergétiques du bord.

L'hydrogène pour tous

Permettre l'industrialisation des solutions hydrogène élaborées par ses ingénieurs en s'appuyant sur la technologie des piles à combustible Toyota est désormais l'objectif premier d'EODev, à la fois incubateur et accélérateur du déploiement de la société hydrogène. Si le REXH2 en est une des pierres angulaires, d'autres solutions sont également appelées à le devenir prochainement.

Une fois la traversée de l'Atlantique achevée, la prochaine étape sera le lancement en septembre 2020 de la première annexe hydrogène équipée de la même pile à combustible, un bateau de 12m fruit de la collaboration entre EODev et un chantier du sud de la France, pour une future production en série. L'objectif est ainsi de fournir aux armateurs soucieux d'environnement, et désireux d'accéder par voie de mer à des zones naturelles de plus en plus protégées, une gamme de bateaux de plaisance durables propulsés silencieusement, sans émission et rapides à recharger, à un coût relativement abordable en comparaison des solutions existantes. Viendront ensuite l'installation de REXH2 sur différents types de navires, des yachts de grande plaisance comme des bateaux professionnels ou des navettes à passagers, dans le respect des contraintes environnementales comme réglementaires.

Pour aller plus loin : EODev et Toyota renforcent leur collaboration