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American Magic HSV by Bluegame: high-tech, silencieux et rapide

A l'occasion du Cannes Yachting Festival qui s'est tenu du 12 au 17 septembre sur la Côte d'Azur, Bluegame, un chantier du groupe italien Sanlorenzo, a dévoilé son premier BGH-HSV, un catamaran hydrogène volant sur hydrofoils de 10m (33') développé pour le New York Yacht Club, un des Challengers de la 37e Coupe de l'America. Ce chase boat, un navire de soutien de l'AC75 américain, est propulsé par deux REXH2® d'EODev — ainsi que par trois batteries de 63 kWh.

Les spécifications à la fois simples et complexes du protocole

Dans le cadre du Protocole de la 37e Coupe de l'America, suivant le principe du Deed of Gift selon lequel le Defender définit les règles de la prochaine régate, l’équipe de Nouvelle-Zélande a inclus des caractéristiques strictes pour les annexes qui doivent suivre le rythme des AC75 en compétition en septembre 2024 à Barcelone. Très simplement, l'AC Defender a imposé la fourniture d'au moins un bateau rapide volant, propulsé par des piles à combustible de 160 kW fonctionnant à l'hydrogène, capable de maintenir 30 nœuds en vitesse de croisière sur un minimum de 150 milles nautiques, tout en atteignant une vitesse maximale de 50 nœuds pendant plus d'une heure de navigation sur la journée.

l y a de nombreuses raisons derrière ce cahier des charges. La première est écologique, et vise à promouvoir l’utilisation de vedettes rapides propres et zéro émissions plutôt que les habituels annexes à moteur ICE lors de l’organisation de toute régate à la voile. La deuxième raison est pratique : la nécessité de naviguer longtemps à des vitesses élevées exigeait des performances que les bateaux propulsés uniquement par des batteries n'étaient pas en mesure de réaliser, même sur des catamarans à foils, en raison du poids et du volume occupés par de telles batteries. En fait, les calculs ont montré que soit le bateau ne pouvait pas voler, étant trop lourd, soit il ne pouvait pas répondre à ses exigences d'autonomie car des batteries plus légères ne fourniraient pas assez de puissance et se déchargeraient trop rapidement. D'où la nécessité d'une combinaison de solutions, et d'un système hybride utilisant l'hydrogène, un principe pour les applications maritimes dont EODev a toujours été l'un des ardents défenseurs depuis sa création, et même avant, à travers le projet Energy Observer. Et la troisième raison est liée à l'efficacité : il est bien connu qu'une des clés de la sobriété dans la consommation énergétique est directement liée à la traînée du bateau, qui est directement liée à la forme et à la surface totale de la coque en contact avec l'eau ; une préoccupation que les catamarans, et les multicoques en général, maîtrisent plutôt bien pour allier performance et confort en mer. Si certains pourraient objecter que le bateau n'a pas besoin d'être un catamaran puisqu'il vole sur ses foils — rendant sa traînée minime — il est évident que la phase pendant laquelle il reste soumis aux lois d'Archimède avant le décollage est, elle, très gourmande en énergie! C'est aussi à cause de ces lois que le HSV est entièrement construit en carbone, car chaque kilogramme économisé le vaut bien : plus le bateau est léger, plus sa consommation d'énergie est faible, plus son autonomie est grande.

Ingénieuse optimisation d'ingénierie

Au final, le cahier des charges défini par le Protocole de la Coupe de l'America suite au programme Chase Zero s'inscrit bien dans la philosophie d'EODev pour l'application marine de son générateur d'hydrogène REXH2®: l'idée centrale est d'utiliser la puissance de la ou des piles à combustible pour gérer la vitesse de croisière en utilisant l'hydrogène, quand la puissance fournie par les batteries, dont l'autonomie est limitée, est utilisée pour atteindre la vitesse de pointe ou pour fournir une puissance supplémentaire si besoin, mais seulement de temps en temps — afin de ne pas décharger les batteries trop vite. En ce sens, il s’agit d’un système hybride qui alimente les moteurs électriques grâce à une solution doublement optimisée. L'EPMS (système de gestion de l'énergie) gère les besoins en énergie suivant une configuration idéale pour atteindre une autonomie maximale, et équilibre l'utilisation de l'énergie provenant de la pile à combustible avec l'énergie stockée dans les batteries, en gardant à l'esprit que la pile à combustible peut également être utilisée pour recharger les batteries si nécessaire.

C'est pourquoi le HSV de Bluegame a été conçu pour s'appuyer sur sa puissance de 160 kW fournie par deux piles à combustible de 80 kW chacune – une de chaque côté du cockpit central – pour gérer la vitesse de croisière requise. D'où bien sûr la nécessité d'une conception de coque efficace et légère, car la puissance nécessaire pour obtenir un nœud supplémentaire suit plus ou moins une courbe exponentielle qui dépend du poids du bateau et de la résistance à l'avancement de la coque. Le HSV de Bluegame pour American Magic embarque ainsi quatre réservoirs, deux de chaque côté, contenant chacun plus de 8 kg d'hydrogène comprimé à 350 bars pour une capacité totale de « carburant » de plus de 33 kg.

Pour faire simple, convertir cette quantité d’hydrogène en énergie pour fournir 160 kW de puissance en continu donnera au pilote environ 3,5 heures d’autonomie à pleine puissance de pile. En croisière à 35 nœuds, cela équivaut à plus de 120 milles nautiques réalisés grâce aux seules piles à combustible. L'ajout des 190 kWh disponibles sur les trois batteries, en tenant compte des limitations de leur SOC (State of Charge) pour éviter une décharge complète, offrira au pilote une heure supplémentaire de navigation à la même vitesse de croisière, atteignant ainsi une autonomie totale de plus de 150 milles marins.

Appelez-moi Tetris

La complexité du projet réside donc dans... tout ce qui fait partie de son puzzle, réunir tous les composants — et les faire fonctionner — dans un espace minuscule. Pensez à une Formule 1, mais ajoutez à ce défi le fait que le navire doit fonctionner efficacement, avec une bonne tenue en mer, dans deux "modes" différents : en fendant les flots de manière traditionnelle, et en vol, à une vitesse assez élevée (pour un bateau). Ce bateau est un « croisement » entre une voiture de Formule 1 et un avion de chasse, avec le défi supplémentaire qu'il ne fonctionne pas sur une route ou un circuit en asphalte, mais doit faire face à une mer inégale, à la houle, aux vagues et aux diverses conditions de vent, sans affecter ni sa stabilité ni son confort à bord. C’est peut-être la pire de toutes les combinaisons lorsqu’on se déplace d’un point A à un point B ! Et, mieux encore, le HSV le fera sans émissions de CO2 ou de particules fines, et sans trop de bruit, à l'exception celui des hélices dans l'eau.

Luca Santella, responsable de la stratégie produit chez Bluegame, qui est également chef de projet sur le HSV, explique à quel point cela a été un défi de taille, mais qui en valait la peine: "La conception et le développement de ce petit bateau ont impliqué des centaines de personnes, y compris les équipes derrière chacun de ses composants et fonctionnalités. Je ne pourrais pas énumérer tous les éléments d'ingénierie qui ont été développés ou combinés de manière assez spécifique pour y parvenir, c'est infini, mais j'en citerai quand même deux principaux comme jalons significatifs : les moteurs électriques créés par Lucchi - de véritables œuvres d'art - et les foils développés par Caponetto. Sans oublier bien sûr EODev pour la pile à combustible et le studio de Philippe Briand pour le design de la coque, ou encore Danfoss et METS Technologies côté logiciel. Les experts et les expertises qui ont contribué à la réalisation du projet sont innombrables. Et tout le monde peut, et doit, être fier de cet accomplissement, car, dans le plus pur esprit de la mode italienne, c'est aussi un beau bateau!"

Jérémie Lagarrigue, le Directeur Général d'EODev, est tout aussi fier du résultat final : « Il y a de nombreuses années, j'ai participé au développement du tout premier yacht à moteur électrique sur foils. Une décennie plus tard, voir cette étonnante machine non seulement voler mais aussi combiner batteries et notre REXH2 pour offrir une propulsion propre, avec une bonne autonomie, montre comment l'ingénierie et la créativité humaines peuvent toujours viser plus haut, pour le meilleur, et témoigne que les défis d'aujourd'hui pour un avenir propre sur les océans peuvent être relevés. Et effectivement, comme le dit Luca, c'est aussi une très belle machine !"